Fabrice Robert, Jobintree "D'ici 5 à 6 ans, on mesurera le recrutement au ROI"

le 30/06/2010 à 22:57
Fabrice Robert, Jobintree "D'ici 5 à 6 ans, on mesurera le recrutement au ROI"
Cofondateur de Jobintree, Fabrice Robert revient pour Clubic Pro sur le modèle de ce site emploi qui revendique la cinquième position sur le marché français après seulement deux ans d'existence.

Clubic Pro - Quelle est la clé qui a permis à Jobintree de progresser si rapidement alors que le secteur de l'emploi a souffert de la crise économique ?

Fabrice Robert - Notre grande force a été de proposer un mode de facturation différent de ce qui se faisait sur le marché, assez atypique : une facturation au résultat, en fonction du nombre de CV reçus. L'architecture et l'ergonomie de notre site nous ont aussi servi.

Depuis 2005 ou 2006, on observe que l'essentiel de la croissance se focalise sur les sites spécialisés. Malgré des volumes de candidature relativement faibles, ils attiraient des grands comptes puisque plus vous êtes spécialisés et plus vous avez de chances de générer des candidatures ciblées, mieux qualifiées. Partant de ce constat, on a décidé de découper l'univers des métiers en douze douze branches distinctes, basées sur la notion de métier, afin de coller à la perception qu'a l'individu de sa compétence et dépasser les critères habituels de fonction ou de secteur.

On a donc quelque chose qui ressemble à douze sous-sites, construits avec leurs vocables, mots clé et structures spécifiques, qui permettent au candidat comme au recruteur de se retrouver dans un univers qui lui correspond. Ce modèle en entonnoir permet de mieux qualifier la candidature.

Cette facturation au résultat ne risque-t-elle pas justement de vous couper de certains clients potentiels ?

Nous avons aussi des clients qui restent sur la facturation traditionnelle. Les DRH restent des centres de coût et à ce titre, elles partagent souvent leur budget entre plusieurs sites emploi. Quand on est facturé à la consommation, le budget n'est pas forcément aussi bien maitrisé. On a donc des clients qui restent sur de la facturation traditionnelle et d'autres, plus libres dans leur champ d'action, qui ont pu passer à la facturation au résultat.

Le secteur de l'emploi est-il amené à évoluer vers un modèle basé sur le retour sur investissement ?

Le problème de ce secteur, c'est que depuis 1999, les modèles n'ont pas évolué. Que vous preniez Monster ou Cadremploi, on reste sur un simple transfert du modèle papier sur le Web : avant, la presse vendait de l'espace sur un support papier, aujourd'hui ça se fait sur un média électronique et vous payez un forfait pour voir votre annonce apparaitre. On observe tout de même une tendance de plus en plus prononcée : des clients qui calculent le nombre de candidats rencontrés, le nombre de CV reçus et le niveau de pertinence de ces CV. A partr de là, ils font un calcul, qui ramène à un prix unitaire - CV, candidature, clic sur mon site - le forfait payé. Les professionnels du recrutement ont des outils suffisamment fins pour que, bien qu'en façade on ne soit pas sur une facturation au résultat, on relève les compteurs au bout de quelques mois pour calculer les coûts associés à chaque prestataire. Si on se projette à cinq ou six ans, on devrait commencer à mesurer le recrutement sur la base du ROI, comme sur un site d'e-commerce.

Comment procédez-vous pour attirer les candidats potentiels, achat de trafic uniquement ?

Nous avons différents partenariats avec des moteurs de recherche, mais aussi avec des sites de type Vivastreet. On travaille avec OLX et l'on fait des campagnes ponctuelles sur leboncoin par exemple. Nous avons aussi des campagnes Web à l'affichage, ainis qu'une cinquantaine de partenaires positionnés sur des métiers donnés, qui génèrent peu de volumes mais nous amènent des visites extrêmement qualifiées.

Vous avez récemment ouvert des antennes commerciales à Lyon et Lille. En tant que site Web, vous estimez qu'une telle présence physique est indispensable pour convaincre les recruteurs de faire appel à vos services ?

Une présence locale devient indispensable à partir du moment où l'on a une certaine taille. Aujourd'hui, Jobintree est arrivé à une certaine maturité et on ne peut pas se permettre de traiter les clients en région à partir de Paris. Notre métier se fait sur du B2B pur, et nous avons besoin d'une présence lorsqu'il s'agit d'aller convaincre la DRH d'un groupe du CAC 40 de référencer ses offres chez nous.

En mars dernier, vous avez levé un nouveau million d'euros auprès de 123 Ventures, ce qui porte à 2,7 millions d'euros les investissements consentis pour Jobintree. L'équilibre est-il en vue ?

Nous sommes dans une phase d'acquisition de parts de marché, avec une vision relativement claire des choses. Nous tenons nos objectifs - la meilleure preuve en étant justement le fait qu'au bout de 18 mois sur un marché en crise, nous ayons fait rentrer un fonds à notre capital, ce qui est tout de même assez rare dans ce contexte. Nous sommes donc amenés à faire un arbitrage permanent en fonction d'objectifs qui sont soit commerciaux, soit marketing, soit contextuels. On peut donc décider de prolonger un déficit pour tenir un objectif qu'on considère comme étant stratégique, ce qui fait que la date de break-even (atteinte de l'équilibre financier, ndlr) devient secondaire. Nous nous projetons à cinq ou sept ans, et devrons emprunter un chemin variable pour atteindre nos objectifs, fonction du marché, de la conjoncture et de nos réalisations. Aujourd'hui, je ne peux pas vous dire comment le marché va évoluer, mais on pourrait imaginer relever des fonds pour accélérer si ça se révélait nécessaire.

Viadeo a récemment présenté les résultats d'un sondage organisé par ses soins, en expliquant démontrer ainsi que les réseaux sociaux professionnels devenaient l'outil de prédilection de la mise en relation professionnelle et donc du recrutement, au détriment du job-board traditionnel. Qu'auriez-vous envie de leur répondre ?

Il y d'autres statistiques, datées de trois ou quatre ans mais qui perdurent, qui indiquent qu'environ deux tiers des personnes trouvent un emploi par le biais de leur réseau. C'est historique. Avec l'émergence des réseaux sociaux, il est tout à fait logique que l'on se mette à utiliser ce média supplémentaire. Je dirais donc que ça fait partie des multiples moyens mis à disposition.

Si on se place du côté du recruteur, ce qui est notre cas en tant que spécialiste du B2B, on constate que jusqu'à début 2008, beaucoup ont utilisé les réseaux sociaux de façon importante. Ils ont donc un maintenant un vrai retour d'expérience par rapport à ça. Bien sûr, je suis partisan, mais ce qu'on entend, ce sont des retours de type : les réseaux sociaux sont très bien, ils vous permettent de dénicher des profils atypiques mais ils sont extrêmement consommateurs en temps, et coûtent donc finalement très cher. Dans le monde de la communication par exemple, où on est assez féru de ce sujet, beaucoup se sont jetés dessus puis en sont revenus après s'être rendus compte qu'en termes de ROI, le résultat n'était pas suffisant puisqu'il ne s'agit pas d'un média de masse.

Dernier point, plus marché cette fois : quels sont les carrières qui ont le vent en poupe en ce moment dans le domaine de l'IT ?

Le secteur informatique reste privilégié, avec toujours autant d'offres. C'est un peu la guerre pour trouver un informaticien, notamment sur le décisionnel et les technologies qui tournent autour d'Internet. Du côté des SSII, on observe un turn-over toujours très important, avec souvent un décalage entre les besoins exprimés par les recruteurs et ceux du candidat.

Parmi les métiers les plus demandés, on voit les développeurs PHP, le passage vers la consommation de logiciels à distance fait que ce type de services se généralisent et que ces technologies qui étaient purement Internet il y a quelques années sont maintenant l'une des couches de tout développement logiciel. Et ce sera sans doute pire dans dix ans ! En termes de secteurs, les principaux demandeurs restent vraiment la banque et la finance, que ce soit en direct ou par l'intermédiaire de SSII.

Fabrice Robert, merci.

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