Jeux d'argent en ligne : les détails du projet de loi

le 02/04/2010 à 22:09
Jeux d'argent en ligne : les détails du projet de loi
Le Forum international sur la cybercriminalité, qui s'est tenu hier et avant-hier à Lille, présentait une conférence sur les jeux d'argent et de hasard en ligne. Actualité très chaude, puisqu'au même moment était discuté le projet de loi à l'Assemblée nationale. Voté conformément au texte du Sénat, il devrait être adopté dès le 6 avril par la chambre haute du Parlement.

Le projet de loi met en place une nouvelle institution indépendante : l'Arjel, Autorité de régulation des jeux en ligne. Pour François Trucy, le rapporteur UMP du projet au Sénat, c'est une réponse à « un marché illégal des jeux en ligne insupportable, qui s'est développé sous le nez des législateurs. » Il estime le marché total des jeux en ligne à 3 milliards d'euros en chiffre d'affaire. Un seul milliard revient au PMU et à la Française des Jeux désormais appelée FDJ, les milliards restant sont une estimation du marché noir.

Pour contrer cet état de fait, la future loi doit ouvrir le marché à la concurrence avec des règles strictes. L'Arjel, dont une mission de préfiguration travaille déjà, doit avoir « pour but de faire réussir les opérateurs qui auront choisi la légalité, et donc auront obtenu l'agrément de l'Arjel », tout en offrant un arsenal répressif contraignant contre les sites illégaux. L'Arjel, qui regroupe sous une autorité unique les prérogatives de 11 ministères et organismes concernés jusqu'à aujourd'hui, propose plusieurs armes de répression.

La saisine du Tribunal de grande instance de Paris est prévue pour demander aux fournisseurs d'accès à Internet de cesser la diffusion d'un site illégal hébergé. D'autre part, la publicité pour un tel site sera interdite pour « tous les médias », selon Frédéric Epaulard, secrétaire général de la mission de préfiguration de l'Arjel. Cette infraction sera punie de 100 000 euros d'amende, un chiffre que le juge pourra sur simple motivation multiplier par quatre. Cette mesure vise l'ensemble de la chaîne publicitaire. Dernière mesure inscrite dans le projet : « il sera possible de demander aux banques de bloquer les transferts des gains entre le compte de l'opérateur et celui de l'internaute. »

Une opération de récupération des numéros de comptes sera donc nécessaire. Aucun problème, selon François Trucy, qui annonce la mise en place de cyberpatrouilleurs. Ces agents pourront facilement effectuer les opérations faites normalement par des joueurs, et récupérer les informations bancaires des sites.Questions de droit

Frédéric Epaulard, qui rappelle que la loi n'est toujours pas promulguée, et que toutes les annonces sont donc à la condition qu'elle soit adoptée, soulève plusieurs questions de droit que l'Arjel devra régler. La première, c'est la définition d'un site illégal. Pour le secrétaire général, « la loi n'en donne pas de définition précise. Par déduction, nous considérant comme illégal tout site qui n'a pas obtenu l'agrément, et qui s'adresse à la population française. »

Or où situer la frontière entre un site Canadien par exemple, qui va viser une clientèle française en grande partie, et un site européen qui n'aurait qu'une petite partie dédiée aux paris sportifs français ? C'est un vrai problème pour Frédéric Epaulard, qui estime que « l'Arjel devra se construire sa jurisprudence. Certains événements importants en France, comme la finale du championnat de la Ligue 1 de football, vont faire l'objet de paris sur des sites étrangers, sans qu'il y ait une vraie stratégie en direction des joueurs français. » Si l'utilisation de la langue française sur un site peut être un indice, ce n'est pas suffisant. « Nous devrons trouver une définition. »

Pour l'avocat Thibault Verbiest, animateur de la conférence, le problème est intéressant sur le plan juridique : « Un arrêt de la cour de cassation de moins de trois semaines a déterminé à quelles conditions on pouvait considérer qu'un site étranger a une démarche active pour le public français. Dans le même temps, une question préjudicielle du Tribunal de grande instance de Paris à la cour de justice attend un arrêt. » Il pourrait fixer des normes uniformes en la matière.

Originalité du projet de loi : le seul tribunal référent est à Paris. Le choix d'une chambre dédiée du Tribunal de grande instance de la capitale doit « éviter de devoir courir d'un TGI à l'autre aux quatre coins de la France », explique François Trucy.L'impossible équation technique ?

Si la question de l'application technique des dispositions légales reste entière, Cyril Lévy, spécialiste des questions de sécurité liées au jeu en ligne au sein de l'agence Salamandre, y apporte quelques éléments concrets. « Il existe plusieurs outils d'anonymisation en ligne. » Et pour François Trucy, pas question de refaire l'erreur de la loi sur Hadopi, pour laquelle le Parlement « n'a pas le sentiment d'avoir produit l'arme ultime. »

Estimant qu'avec « plus de 25 000 sites de jeu en ligne, il est impossible d'effectuer un vrai filtrage », Cyril Lévy donne deux pistes. D'abord, la création d'une liste de sites illégaux, transmise aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI). Cela implique une vraie participation des FAI, qui deviennent « des auxiliaires de police ». Une solution efficace pour « contrôler l'accès d'un public non expert, mais les ressources des sites sont énormes, et ils trouvent constamment des parades. Cette solution ne peut durer qu'un certain temps. » Autre solution : un reroutage des Français vers les versions françaises des sites internationaux qui auraient obtenu l'agrément. « Cela ne présente aucun challenge technique, la plupart des outils de géolocalisation sont déjà en place pour les opérations de contrôle et de paiement. »

Limites à ces solutions : le peer-to-peer a déjà montré leur inefficacité, et le manque de nuances dans le blocage des sites : « certains ont des pages qui seront proscrites, mais d'autres pages qui sont du play for fun, sans enjeu financier, ou des pages éducatives sur le jeu en ligne. Il est délicat d'interdire globalement un site s'il n'y a que quelques pages litigieuses. » Cyril Lévy estime que « le mieux, ce serait de taper sur des sites très actifs, comme certains opérateurs canadiens qui visent explicitement une audience française. Sauf que les audiences réelles sont difficiles à obtenir, et que personne ne connait vraiment les leaders du secteur. » Il évoque cependant « de nouvelles solutions intelligentes de contrôle à distance. » Des systèmes évolutifs qui pourraient enrichir les bases de données à proscrire, en prenant en compte les pages de play-for-fun et les audiences des sites.

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